Le territoire de La Saucelle était vraisemblablement inclus pendant toute l’Antiquité et le Haut Moyen Age dans une vaste zone de landes et de bois, aux terres pauvres, dont la forêt de La Ferté- Vidame-Senonches n’est plus aujourd’hui qu’un lambeau.
Toujours est-il qu’une communauté paroissiale existait dès 1050, puisque La Saucelle est citée dans une charte de cette date.
Vivant de cultures et d’élevage, la population jusqu’au XIXe siècle atteignit 500 habitants. Il ne faut pas s’étonner que l’église ait été aussi vaste.
Bien entretenue, cette église, qui a conservé beaucoup d’éléments du passé est certainement une des plus intéressantes du Thimerais et du Perche.
Rédigée par Bernard Louis Hémery
Comme le révèle l’archéologie, le territoire de La Saucelle s’est établi assez tardivement, pendant le Haut Moyen-Âge (entre 476 et 987).
Dans la période d’essor économique, qui prit naissance sous les Carolingiens (de 751 à 987), un mouvement de défrichement fit progresser, vers l’Ouest, la zone cultivée qui, jusque-là, s’était cantonnée sur le Drouais et le plateau de Laons.
À partir de la ligne Brezolles - Blévy, marquée par la voie romaine de Condé-sur-Iton à Chartres, s’étendait une vaste zone de landes, de bois et de marécages, au sol lourd et mal drainé. Les cultivateurs - bûcherons, à la recherche de terres nouvelles, à force de courage et de patience, l’assainirent et la mirent en valeur. Aujourd’hui, les forêts de Senonches, de La Ferté-Vidame et les nombreux bois du Thimerais et du Perche ne sont plus que des lambeaux de cet antique paysage, longtemps resté vierge.
Dans l’insécurité que firent régner les Normands, vers le IXe siècle, les hommes se regroupèrent autour de quelques nobles chevaliers, retranchés sur leurs mottes ou dans leurs maisons fortes. C’est ainsi qu’apparurent, dans l’histoire, les communautés paroissiales, qui édifièrent les églises, dont les communes du canton de Senonches, de la Ferté-Vidame et de Châteauneuf sont aujourd’hui les héritières.
Le plus ancien document écrit, qui fait mention de la paroisse de La Saucelle, date de 1050 (Saliciolum vers 1050, Salcetula vers 1115, Saucelle vers 1250, petite saulaie ou lieu planté de saules), mais on ne possède guère de renseignements sur ce qui se passa avant le XVIIIe siècle. L’église est mentionnée en 1080 comme appartenant à l’abbaye de Saint-Père de Chartres ou à l’abbaye de Saint Vincent aux Bois de Châteauneuf.
L’église Sainte-Anne est localisée dans le village de La Saucelle, dont le territoire est situé en lisière du Parc Naturel Régional du Perche. Elle est un édifice religieux remarquable du XI-XIIe siècle (style roman).
La paroisse de La Saucelle s’est probablement développée dans la deuxième moitié du XIIe siècle. La construction de la partie essentielle remonte à l’époque romane, le chœur et son chevet semi-circulaire ont été bâtis au XIIe siècle. Des granges et moulins l’entouraient.
Une Commanderie de templiers s’élevait autrefois dans ce petit village. Lorsque la Commanderie cessa son activité, elle se déplaça à La Villedieu-en- Druguésain sur la commune de Laons, dans le Drouais.
Dans la commune, les lieux dits le Temple et la Commanderie gardent encore aujourd’hui le souvenir que ces lieux ont appartenu aux Chevaliers (Templiers puis Hospitaliers de Saint- Jean) qui ont œuvré au défrichement des terres.
L’église, dédiée à Sainte Anne, a appartenu de longues années à l’abbaye de Saint Vincent aux Bois à Saint-Maixme-Hauterive (près de Châteauneuf en Thymerais).
L'origine de l'abbaye remonte au milieu du XIe siècle, où Gervais, seigneur de Châteauneuf, fait édifier dans les bois un oratoire dédié à saint Vincent. Ce modeste oratoire cède la place à une abbaye florissante. Mais deux incendies vont mettre fin à son essor : un premier incendie vers 1315, pendant la guerre de Cent Ans et un second pendant les guerres de Religion en 1562. Elle sera reconstruite sous l'égide de l'abbé Léon de Loynes, nommé abbé de Saint-Vincent le 9 janvier 1671. Puis à la Révolution, le 31 juillet 1791, elle est vendue comme bien national, transformée en château puis détruite.
L’Annuaire de 1850 d’E. Lefèvre ne donne que peu de renseignements (tirés du Cartulaire de St Père de Chartres) :
L'abbaye de Saint-Vincent obéit à la règle de saint Augustin, elle rassemble une communauté de chanoines liés par les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance. Contrairement aux moines, les chanoines ne sont pas cloîtrés, ils assument la charge pastorale d'âmes au sein des cures vacantes et portent le titre de prieur. Leur prieuré se trouve sur le domaine foncier de Saint-Vincent. Les religieux, issus de l'abbaye, gèrent le prieuré sur place et envoient en contrepartie les revenus à l'abbaye.
Hors Sainte-Anne de La Saucelle, dépendent de Saint-Vincent de multiples prieurés : Saint-Blaise des Chaises, Courdemanche, Saint-Rémy de Feuilleuse, Lamblore, Saint- Nicolas de la Ferté-Vidame, Saint-Léger de Louvilliers-en-Drouais, Saint-Laurent de Mainterne, Notre-Dame de Marville-les-Bois, Saint-Martin de Montigny-sur-Avre, Notre- Dame de La Mulotière, Neufville, Saint-Rémy de Révercourt, Saint-Jean de Rébervilliers, Saint-Ursin (paroisse de Saint-Rémy-sur-Avre) et Saint-Maurice de Tardais.
L'abbaye touche donc les dîmes versées par ces diverses paroisses et un grand nombre de rentes viagères. En outre elle dispose des droits seigneuriaux de haute et basse justice d'où découlent les redevances seigneuriales. Elle possède des maisons, des fermes, des moulins, des briqueteries, des prés, des bois, elle a le droit de chasse, de forage sur son fief. Enfin, elle touche le cens en argent et les dîmes en muids de blé sur toutes les pièces de terre qui lui ont été cédées (Le Boullay-les-Deux-Églises, Saint-Sauveur et Levasville, Boutaincourt, Saulnières, …).
Les peintures retrouvées sur le mur sud dateraient du XVe siècle : on y voit plusieurs saints entourés de moments de la Bible. L’élargissement (côté nord) de l’église va ensuite probablement détruire une autre partie de ces peintures : il devait y avoir d’autres saints et d’autres peintures, symétriques de celles du côté sud.
Les litres funéraires qui entourent l’église dateraient du XVIIe siècle.
Le percement d’une nouvelle baie (XVIIe siècle ?) va de nouveau casser la continuité des peintures sur le mur sud : voir les différences entre les fenêtres des vitraux.
Les peintures probablement défraichies vont ensuite être recouvertes de peinture blanche qui fera disparaitre le passé de l’église.
Au XIXe siècle, il y a l’installation d’une chaire sur le côté sud.
Au fond de l’église, les oscillations du clocher vont faire modifier les boiseries de l’édifice : on aperçoit (côté nord) la grande croix qui maintenait une partie du clocher autrefois.
L’église est établie dans une plaine alluviale liée à un petit ruisseau qui est busé au droit de l’espace vert. Initialement, cette zone devait être un marécage assaini au Moyen-âge.
Dans le passé, le niveau du sol a été relevé de 18 cm et l’ancien carrelage subsiste localement et a été observé dans les fouilles.
L’intérieur de l’église avant les travaux de 2020
La couche de plâtre qui masquait les peintures correspond probablement aux travaux décrits par le curé de La Saucelle en 1840 dans le registre paroissial (ci-dessous).
Sans que l’on connaisse précisément le rôle qu’elles ont joué aux origines de la paroisse Sainte-Anne, deux institutions ont été présentes à La Saucelle dès le XIIe siècle et jusqu’à la Révolution :
La partie la plus ancienne de l’église Sainte-Anne est son chevet roman, hémicirculaire, flanqué de contreforts peu saillants en grison. Une baie d’axe avec un encadrement en grison se devine, bouchée en maçonnerie, derrière un plus gros contrefort rapporté après. Les deux contreforts rapportés au chevet ont été placés au droit des entraits rayonnants du chevet, probablement au moment de la construction de la charpente…
L’édifice a été augmenté d’un bas-côté au Nord, peut-être à la fin du XVe siècle ou au début du XVIe. La charpente présente le même type d’ornements que celle de la nef. On note aussi que l’église n’est pas strictement orientée, son chevet est au Nord-Est.
Les arcatures en plein cintre ornées de dais architecturaux sont de style Renaissance, probablement une reconstruction du milieu du XVIe siècle. Les trois dais architecturaux qui ornent les écoinçons, tous différents, ont un dessin très élaboré, milieu du XVIe siècle, qui évoque des gravures du lyonnais Philibert de l’Orme (1514-1570) que des bâtisseurs auraient pu voir (Château de Chenonceau, château d'Anet, château Neuf de Saint-Germain- en-Laye, église Saint-Nizier de Lyon).
Le haut clocher en charpente et la façade occidentale, en maçonnerie de moellons avec modénature en briques, contreforts et encadrements en grison et briques, semblent dater de la fin du XVIIe siècle ou du début XVIIIe.
Enfin, la sacristie a été aménagée tardivement, probablement au cours du XVIIIe siècle, en obturant la cinquième arcade du collatéral et en fermant sa dernière travée par un refends.
Le mur gouttereau (mur latéral des édifices religieux, surmontés de gouttières), au sud, du côté du cimetière, avec ses contreforts plats, une fenêtre en plein cintre, encadrée de moellons de « grison » et l’abside semi-circulaire (permettent de dater de l’époque romane (XIe – XIIe siècles) la partie essentielle de l’édifice. Un bas-côté fut greffé à la nef côté Nord plus tard au XVIe siècle, comme en témoignent des éléments architecturaux visibles à l’intérieur.
Du côté du pré communal, qui fut autrefois l’enclos du presbytère avec une mare qui a existé encore jusqu’en 1970 environ), s’ouvre une petite porte basse en plein cintre (dont la courbure est un demi- cercle).
De quelle couleur refaire les murs de l’église ? Du rose au blanc ? Du jaune au beige ?
En tout cas, avec du sable du Perche !
Les enduits extérieurs et intérieurs sont entièrement repris pas une entreprise de maçonnerie, avec du sable de la région.
XI-XIIe siècles : construction de Sainte Anne
Début du XVIe siècle : élargissement par un collatéral sur le côté Nord
Milieu du XVIe siècle : arcatures de style Renaissance
XVIIesiècle : clocher
XVIIIe siècle : sacristie
1830 : réfection de la couverture du clocher « Il sera couvert en ardoises 1ère qualité de 11 pouces de long et 8 pouces de large, engagées à 4 pouces, attachées avec 2 clous ou 3 si nécessaire ».
Travaux au presbytère : 2 piliers, 2 barrières, couverture du presbytère et d’un cellier/bûcher pour lequel « la couverture étant en paille, il faudra 200 bottes de paille de bled pesant 12 livres la botte ».
1836 : réparations à l’église (planchers sous la cloche, lucarnes du clocher, lambris, armoire).
1862 : refonte de la cloche par M. Mahuet, fondeur à Dreux.
1928 : réfection de la couverture du clocher par M. Henri Barbot, ferblantier-couvreur à Senonches.
1970 : réparation du clocher et du plafond
2017 : soutien du clocher et installation du vitrail central
2020 : découverte des peintures, réfection des vitraux et du carrelage, réparation du mur nord fendu
Lors de la construction de l’église au XIIème siècle, tous les matériaux viennent du village ou d’environs (10 km) de La Saucelle tels que Beauche ou Senonches : pierres de grison, pierres de silex, chaux (Senonches), poutres de chêne, tuiles, tomettes, sable, terres noires, …
L'oculus muré se trouvant au-dessus de la porte principale est rouvert et une baie y est créée en 2017.
Le vitrail au-dessus de la porte d’entrée a été refait en 2017 par Slim Guenaoui, vitrier ??? de La Saucelle : on y trouve une base de vitrerie avec un panneau central peint représentant la Vierge et Sainte-Anne, de style oriental.
Les vitraux sont tous du XXe siècle avec des verrières claires losangées, avec différentes nuances et bordures : bleutés dans le chœur (baies n°1 et 2) ; verdâtres sur trois baies (n°4, 8 et 10) et incolores sur la baie n°6 côté sud de la nef ; formant une teinte orangée côté ouest (baie n°3).
Aucun châssis de fenêtre ne se ressemble : elles sont toutes de structure et de tailles différentes.
Une fenêtre a été rajoutée plus tard (voir l’ogive).
Une baie de la sacristie qui avait été murée est rouverte en 2020 et une baie de losanges y est créée par les ateliers Lorin de Chartres, qui est également en charge de réaliser des bavettes de plomb au bas de chaque baie afin de créer une aération générale de l'édifice (avec des rejingots pour éliminer l’eau de condensation sans infiltration dans la maçonnerie).
Vieux bougeoirs fixés sur les piliers entre l’ancienne nef et son extension
Sous les carrelages actuels, il est apparu la sépulture d’un templier avec sur la dalle une croix.
Du XIIe au XIVe siècles, La Saucelle a été dominée par des templiers, chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem ; ceux-ci dépendaient de la commanderie d’Olivet, elle-même dépendante de La Villedieu-en-Drugesin (aujourd’hui Laons) et ils contrôlaient le moulin d’Olivet (sur la commune de La Saucelle) et plusieurs fermes sur la commune.
Lors des travaux de 2020, l’effritement du plâtre des murs a fait apparaitre d’anciennes peintures murales à l’intérieur de l’église et des litres sur plusieurs murs.
Durant l’été 2020, La Saucelle a demandé à l’atelier Moulinier (Blois) de réaliser la restauration des peintures murales de l’église Sainte-Anne de La Saucelle. Ces travaux ont permis une meilleure compréhension des scènes mises au jour. Ils ont respecté ce qui pouvait se voir, sans restauration supplémentaire.
On peut distinguer deux grands ensembles :
Parmi les saints, on peut reconnaître grâce à leurs attributs en partant du chœur Saint- Jacques-le-Majeur avec son bâton de pèlerin, Saint-Thomas avec son équerre, un saint non identifié et Saint-Thaddée (?) avec sa hallebarde tout à l’ouest.
Chaque Saint est orné d’une croix grecque à branches fleurdelisées. Ces croix sont intégrées à l’intérieur de chaque peinture, ce qui est rare, à la différence d’autres desseins où elles sont très souvent à côté des saints.
St Jacques le majeur était fils de Zébédée et frère de saint Jean, pêcheurs sur le lac de Tibériade, compagnons de Simon et d'André. Ils étaient dans la barque de leur père et réparaient les filets quand Jésus, passant sur le rivage, leur dit : « Suivez-moi ». Avec Pierre, Jacques et Jean seront les plus proches des apôtres de Jésus. Ils sont à la Transfiguration, puis au jardin des Oliviers et aussi de son agonie. Jacques, comme Jean, désire la première place auprès du Maître (Marc 10. 37). Il y gagnera l'annonce de son martyre : « Ma coupe, vous la boirez ». Jacques but la coupe du Seigneur en l'an 43, lors de la persécution d'Hérode. Etienne avait eu la place de premier martyr. Jacques le suivit de peu. À la fin du 7ème siècle, une tradition fit de Jacques l'évangélisateur de l'Espagne, avant sa mort ou par ses reliques. Son corps aurait été découvert dans un champ grâce à une étoile : le campus stellae, devenu Compostelle. Après Jérusalem et Rome, ce fut le lieu d'un des plus célèbres pèlerinages de la chrétienté au Moyen Age et de nos jours encore. Décapité par ordre du roi Hérode Agrippa, aux environs de la Pâque en 42, il fut le premier des Apôtres à recevoir la couronne du martyre.
Thomas appelé Didyme (le Jumeau) fait partie du petit groupe de ces disciples que Jésus a choisis, dès les premiers jours de sa vie publique, pour en faire ses apôtres. Il est « l'un des Douze ». Jean nous rapporte plusieurs interventions de Thomas. Lorsque Jésus s'apprête à partir pour Béthanie au moment de la mort de Lazare, il y a danger et les disciples lui rappellent que les Juifs cherchaient à le lapider. Thomas dit alors aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ». Lors du dernier repas, lorsque Jésus annonce son départ, c'est Thomas, la gorge nouée, qui pose la question : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin ? » – « Je suis le chemin, la vérité et la vie », répond Jésus. Mais, c'est grâce à ses questions et à ses doutes que Thomas, doit sa célébrité. Après la mort du Christ, il dit : « Si je ne vois pas dans les mains la marque des clous, si je ne mets pas ma main dans son côté, non, je ne croirai pas ». Pour la postérité, il a reçu le qualificatif d'Incrédule. On oublie souvent que Thomas est surtout le premier qui, devant le mystère des plaies du Christ ressuscité, a donné à Jésus son véritable titre : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Saint Thomas est fêté le 6 octobre dans les Églises d'Orient.
Esclave originaire du pays des Scythes, dans la famille de saint Théodore Studite, il fut affranchi quand celui-ci devint moine. Thaddée entra lui-même dans ce monastère du Stoudion jusqu'au jour où les moines en furent dispersés lors de la persécution iconoclaste de l'empereur Léon V. Thaddée fut arrêté avec six de ses compagnons et mis en demeure de rejeter le culte des icônes. Contraint de piétiner l'icône du Christ à terre, il rejeta que ce fût le fait de sa libre volonté. Avec quatre de ses frères moines, il fut flagellé de 130 coups de nerfs de bœuf et fut laissé pour mort. Il succomba à ses blessures deux jours plus tard.
Sur certaines scènes (énigmatiques), on peut reconnaître la présence de l’enfant Jésus (dans la deuxième baie à partir du chœur) ce qui serait une indication pour le reste des scènes qu’on pourrait rattacher au cycle de la vie du Christ.
Sur les murs sud et nord, figurent deux litres funéraires (ou ceintures funèbres ou ceintures de deuil) : ce sont des bandeaux noirs composés, sous l’Ancien Régime, d'un mélange de noir de fumée et de colle de peau. Ils sont peints sur le pourtour des murs de l'église (intérieur et extérieur) avec dessus les armoiries seigneuriales. Elles datent du XVIIe siècle. Il s’agit d’un décor spécifique qui correspond au deuil lié à la mort d’un seigneur local. Hélas, les blasons liés à ces bandes noires parcourant l’église sont illisibles et ne permettent pas de reconnaître le nom des familles correspondantes. L’ensemble des murs étaient recouverts d’une bande noire, une fine, une plus épaisse, sur les deux cotés (nord et sud) et aussi à l’extérieur.
Sur chaque pilier, un grand blason avait été dessiné : il n’en reste que la couleur ocre et parfois la couronne de l’archiduc.
On peut associer le blason surmonté d’un heaume dans la baie entre Saint- Jacques et Saint-Thomas, à la famille des Guetz qui étaient les seigneurs de La Saucelle à l’époque de la réalisation de ces peintures.
Du XVe au XVIIe siècle on trouve la famille de des Gués ou des Guetz comme tenant la seigneurie de Belleville-La Saucelle.
Les papiers de l’abbaye de Saint- Vincent conservent des témoignages des transactions entre les religieux et les seigneurs locaux concernant des terres sises à La Saucelle : Pierre des Guetz et Jean de Belleville en 1469.
Les papiers de l’ordre de Malte aux archives nationales renferment aussi des partages et échanges entre le commandeur de La Villedieu et le sieur des Gués, seigneur de Belleville, en 1477
L’ancienne cloche de l’église, descendue en 1860 pour être remplacée par la cloche actuelle, portait une inscription mentionnant Messire Loup des Guetz et Dame Françoise de Nollant, seigneur et dame de Belleville et la Saucelle – 1604.
En 1648, on rencontre Charles des Guetz seigneur de Belleville et de La Barre et Marie Barboteau son épouse dans le minutier central des notaires parisiens. Ils demeurent rue des Fossés-Saint-Germain-l’Auxerrois, et louent une maison à l’enseigne du pot d’étain rue de la Cossonnerie à Antoine Duparquier, marchand bourgeois de Paris.
Au début du XVIIe siècle, un autre Charles des Gués, seigneur de Belleville La Saucelle demeure au château de La Barre, où il fait faire des travaux de maçonnerie.
Au XVIIIe siècle, la seigneurie de Belleville-La Saucelle est passée aux familles de Glapion, alliée aux familles de Champozon, de la Chaussée, de Malortye de Villars : « François-Nicolas de Glapion, seigneur de Belleville et son épouse Françoise-Lucrèce-Aimée de Champozon », « Henriette- Louise de Malortye de Villars, Charles Hébert de Champozon dame et seigneur de Belleville ».
L’église de La Saucelle offre des traces d’un blason. Il s’agit probablement du blason de la famille des GUEZ : elle a possédé le manoir de Belleville et le château de La Barre. On les découvre en 1387 pendant la Guerre de Cent Ans (1337 – 1453) : ce chambellan du Comte d’Alençon est seigneur de Belleville et parle avec l’abbaye de Saint-Vincent au Bois (abbaye détruite, à proximité de Chateauneuf-en-Thymerais) pour lui racheter les biens de Belleville, hérités de Pierre et Gervaisotte BUILLEBERT, retirés tous les deux à l’abbaye. Par inadvertance, les Abbés successifs de Saint-Vincent vont continuer à jouir de ces biens et ceci va durer 88 ans.
Certains membres de cette famille vont être protestants et vont aider beaucoup de familles de La Saucelle dans cette religion. Sous Henri III, un premier sera châtié en Quai de Grève pour avoir édité en 1583 un libellé injurieux contre le roi : il sera arrêté, jugé, dégradé de la noblesse, pendu et brulé. Plus tard, en 1674, sous Louis XIV, Anne conspirera avec le chevalier de ROHAN dans un débarquement en Normandie de la flotte hollandaise : elle sera arrêtée, jugée et décapitée Place de la Bastille. La fin des DES GUEZ s’acheva en 1689.
La couronne pourrait être celle du marquis d’O.
François d’O, marquis d’O, seigneur de Fresne et de Maillebois, né en 1535 à Paris et mort le 24 octobre 1594, est un financier français et mignon du roi Henri III. Son frère Jean d’O était sire de Manou.
À la mort de ce dernier, assassiné à Saint- Cloud le 2 août 1589, ce fut d’O qui dit au prince (futur Henri IV) qu’on ne le reconnaîtrait comme roi de France que s’il abjurait la religion réformée. C’est lui qui aida le roi en 1593 à devenir catholique.
À quelques endroits, il reste des traces de graffitis, l’une sous un dessin est gothique, d’autres ont été faites par les ouvriers de l’église au fil des siècles
À l’intérieur, on remarquera la solide assise de charpente construite au XVIIe siècle quand on décida de rehausser le clocher et de remanier le pignon Ouest.
En entrant directement dans la nef, on est fortement surpris par les dimensions de l’édifice.
La haute voute ancienne en bardeaux est équilibrée par ces longs entraits d’une seule pièce entre lesquels courent, sur la partie supérieure des murs, de longues pièces de bois moulurées. Les constructeurs ont longuement utilisé les ressources du grand massif forestier, tout proche, de la Ferté-Vidame-Senonches.
En 2017, compte tenu de fissures dans les murs dus au balancement du clocher quand sonnent les cloches, il a fallu mieux l’ancrer au sol grâce à des grands tréteaux en bois (4e photo).
La précédente cloche de La Saucelle datait de 1604 et pesait 735 livres, elle avait été faite par Michel Chauvet, fondeur à Chartres. Jusqu’à la Révolution il en existait une deuxième plus petite, qui fut descendue en 1793 pour servir à fabriquer des canons, comme ce fut le cas dans la plupart des paroisses de France.
L’ancienne cloche de l’église, descendue en 1860 pour être remplacée par la cloche actuelle, portait une inscription mentionnant Messire Loup des Guetz et Dame Françoise de Nollant, seigneur et dame de Belleville et la Saucelle.
La cloche de 1860, 500 kg, fut fondue aux Fenots, commune de Dreux, par M. Mahuet fondeur, payée avec le métal de l’ancienne cloche et par une souscription populaire.
Le curé de La Saucelle a relaté dans son registre l’exposition dans l’église, la messe de bénédiction et le montage le soir du 21 octobre 1860.
L’ensemble de la nef a été refait en 2020 avec des carreaux de terre. Le chœur de l’église (autel) est couvert d’anciens carreaux.
L’église est habillée de bancs clos (numérotés et avec noms de familles). Ils datent probablement du XIXe siècle, sauf un qui est peut-être plus ancien (1ère photo).
Le banc des marguilliers est au centre de la nef sur la gauche de l’allée centrale avec une croix.
Marguillier n. m. – 1510 marréglier, marruglier XIIe ; bas latin matriculus « teneur de registre ». Chacun des membres composant le bureau du conseil de l’ensemble des clercs et des laïcs chargés de l’administration des fonds et revenus affectés à la construction, à l’entretien d’une église (la fabrique d’une paroisse).
Sur les stalles de bois, que les familles de la paroisse ont gardées jalousement de génération en génération, trois d’entre elles ont encore une plaque émaillée portant les patronymes « Me LANGLOIS », « Me VANHARD », « M. LEGENDRE »).
Le retable de l’autel majeur XVIIIe pourrait provenir d’un autre édifice : il semble un peu trop haut par rapport aux charpentes de l’église, les pots à feu sont au niveau des entraits, et de part et d’autre de l’autel on peut voir deux portes avec des traces de serrures, alors que dans l’abside il n’y a pas d’espace pour passage ou placard d’angle.
Les pièces de charpente du chœur ont été peintes en brun sombre probablement au moment de l’installation de ce retable.
L’autel-majeur et les murs du sanctuaire sont ornés de statues moulées en plâtre, représentant Sainte Thérèse de Lisieux, la Vierge Marie, le Sacré-Cœur et Saint Joseph.
L’autel du collatéral se compose de parties de différentes époques, d’une part un dosseret ancien en bois peint et quatre petites statuettes peintes de grande qualité du XVIIe siècle, d’autre part un autel plus récent placé devant. Sur le mur, une niche et des culots supportant des statuettes. L’installation du dosseret est antérieure à 1840 : le plâtre passe un peu derrière et s’arrête.
Sur l’autel une statue de la vierge écrasant un serpent (Notre-Dame des eaux au couvent de Nevers ou la Vierge au rayons de la rue du Bac à Paris?).
Un petit autel en bois peint, de style classique, dédié à la Vierge Marie, prend place au chevet du bas-côté. Son décor révèle une œuvre du XVIIe siècle. On y voit quatre petites statuettes anciennes en bois, les apôtres Saint-Pierre et Saint-Paul au niveau du tabernacle et, à la partie supérieure du retable, deux personnages levant un bras. Ces statuettes intéressantes, pleines de vie, sont typiquement de style baroque. Au-dessus du retable une statue en bois de la vierge.
La chaire, probablement du XIXe siècle, a dû être déplacée et modifiée pour permettre de voir certains dessins.
Un chemin de croix fait le tour de l’église et voisine avec certaines statues.
Entre le chœur et la nef, un remarquera deux bâtons de procession. L’un porte deux petites statuettes en bois, Sainte-Anne et la Vierge et l’autre une statuette de la Vierge et l’Enfant couronnés.
L’église possède une impressionnante collection de sculptures des XVIe et XVIIe siècles, en bois peint, entre autres :
Un coq qui domine le village et tourne au gré des vents chauds ou froids est posé en girouette sur le clocher, à flèche de section hexagonale, jaillissant d’une base massive couverte d’ardoises, avec, aux quatre points cardinaux, des abat-sons.
Mais le vieux coq du clocher, tout en cuivre, a pu être sauvé et il est gardé à l’intérieur au chaud. Le changement de coq a eu lieu vers 1970.
La Porte des Morts dans une église chrétienne désigne une porte qui donnait sur le cimetière attenant à l'église. À l'issue de la cérémonie funèbre, les corps des défunts empruntaient ce passage pour être enterrés dans le cimetière.
Cette porte est souvent située dans le mur nord (le Nord étant le royaume de l'ombre donc des Morts).
À La Saucelle comme dans quelques rares autres églises, la porte se trouve sur le mur sud (du côté du cimetière).
Actuellement, les portes des morts sont le plus souvent bouchées car elles n'étaient plus utilisées depuis longtemps. Dans certains cas, elles ont complètement disparu.
Celle de La Saucelle a aussi été remise sous le plâtre en 2021.
Mme France POULAIN explique :
Entre les XIIe et XVIIIe siècles, les pratiques funéraires ont connu des évolutions liées en particulier aux grandes épidémies, telles que celle de la peste. Une des conséquences a été la nécessité de devoir accélérer les enterrements afin de limiter les contaminations. Une autre raison tient au fil du temps en la limitation de la place disponible dans les églises elles-mêmes.
Privilégiant l'intérieur des églises pour bénéficier d’une meilleure protection au plus près du Seigneur, les membres du clergé et de l'aristocratie souhaitaient être enterrés sous le dallage même. Les membres de la bourgeoisie naissante, des corporations et des autres corps sociaux disposant de revenus certains, ont demandé à suivre leur exemple. Mais l'espace a fini par manquer. La réponse du clergé a été double. Elle a fait payer ceux et celles qui souhaitaient être enterrés à l'intérieur des murs consacrés. Parallèlement, un second espace fut attribué pour le sommeil des morts à l’extérieur de l’église. Le cimetière enclos de murs et porteur de la Croix est également devenu une terre consacrée. Le cimetière a pu dès lors accueillir les Chrétiens.
Ce passage entre l'église et le cimetière s’est traduit visuellement par la création d’un nouvel élément architectural : la porte des morts.
En face de l’église, et de l’autre côté de la route, sous un ombrage de bosquets, il a été construit une petite mariette (petit oratoire) avec une statue de Sainte Anne.
Les mariettes se construisaient auprès des points d’eau ou des mares (d’où leurs noms).
Chaque année, lors du rassemblement pour fêter Sainte-Anne à La Saucelle le 26 juillet, à la fin de la messe, un grand chant lui est offert.
Pour en savoir plus sur les mariettes, consultez l'étude réalisée par Albert HUDE pour l’association culturelle de Senonches en mai 2014.
Ont travaillé depuis 2017 à la restauration de l’église Sainte-Anne de La Saucelle (quelques-uns de manière bénévole) :
Plusieurs jeunes Saucellois ont pu conforter leur propre orientation professionnelle à l’occasion d’une contribution aux travaux de restauration en maçonnerie et en serrurerie (M. ROLLY en 2018 ; M. MOULIN en 2022).
D’autres ont bénéficié en 2020, en plein épisode de confinement COVID19, d’une initiation à la réalisation de vidéos filmées par drone (M. Richard ELA et M. Rowen RICHARD, lequel a résolu depuis d’en faire son métier).
On trouvera les résultats de ces projets pédagogiques dans 2 courtes vidéos :
Financement des travaux : commune de La Saucelle avec la participation de :
Et avec les dons privés recueillis dans le cadre de la souscription sous l’égide de la Fondation du Patrimoine.
Pour en savoir plus sur le financement des travaux.
28/05/2024 – l’Écho Républicain
22/05/2024 – l’Écho Républicain
27/09/2023 – l’Écho Républicain
22/08/2023 – l’Écho Républicain
24/08/2022 – l’Écho Républicain
18/08/2022– l’Écho Républicain
02/07/2022 – l’Écho Républicain
25/08/2021 – l’Écho Républicain
28/09/2021 – l’Écho Républicain
24/03/2020 – l’Écho Républicain